Mes ami(e)s féministes peuvent remercier le Conseil fédéral, car je vais peut-être, grâce à lui, rejoindre leur rang. Et ce ne sera pas à cause d’Ueli Maurer et de sa consécration de la femme en tant qu’ustensile ménager tellement d’un autre temps que je ne pouvais qu’en rire, mais à cause de la prise de position exprimée par le Conseil fédéral sur l’initiative pour un revenu de base.
Je n’ai pas été surprise par son appel au rejet de l’initiative, je l’ai par contre été par sa manière d’argumenter la chose et de traiter les femmes : “plusieurs catégories de personnes n’auraient plus de raison financière d’exercer une activité lucrative, notamment les personnes qui gagnent moins de 2500 francs par mois ou à peine plus, c’est-à-dire les travailleurs à bas salaire ou à temps partiel, qui sont majoritairement des femmes.”
Les femmes ne travaillent que pour l’argent
C’est dit : les travailleurs à bas salaires et à temps partiel sont majoritairement des femmes et c’est très bien comme cela. Surtout ne changeons rien, car sans motivation financière les femmes déserteraient le monde du travail. On comprend soudain mieux pourquoi la femme d’Ueli Maurer n’a pas réussi à sortir de sa cuisine : c’est très certainement que monsieur lui paie un revenu de base. Heureusement, le Conseil fédéral est là, il veille et nous met en garde contre cet ovni politique qui pourrait donner naissance à une nouvelle vague de femmes ustensiles ménagers.
J’avoue, je me suis sentie un peu concernée… En tant que femme travaillant à temps partiel (avec un bas salaire de surcroit), je me suis sentie interpellée et méprisée par cette prise de position du Conseil fédéral. Je me suis demandée de quel droit les 7 sages pouvaient émettre sur ma personne et sur tout un tas de femmes un avis aussi péremptoire et reléguer ainsi dans une sous-catégorie ne méritant pas le revenu de base ou un salaire décent une écrasante majorité de la population.
Le Conseil fédéral affirme donc sans sourciller que beaucoup de femmes font un travail qu’elles n’aiment pas, qu’elles n’ont pas d’autre choix, que si elles avaient ce choix elles arrêteraient et que c’est donc une bonne raison de refuser un revenu de base. Cela témoigne de la volonté de conserver une partie de la population dans des conditions de vie précaire. Cela affirme également que toutes ces femmes ne travaillent que pour des raisons financières, ce en quoi je ne peux être d’accord.
C’est sans doute vrai que pour une partie des femmes la motivation financière n’est pas indifférente. La belle affaire! Qui ne fait pas son travail aujourd’hui aussi pour des raisons financières…? Qui n’a pas de loyers, d’assurance à payer, besoin de manger, se vêtir, se déplacer ou envie de s’acheter des choses agréables ou inutiles…?
C’est sûrement vrai aussi que pour certaines l’argent est une motivation importante, voire la principale, et qu’elles ne font pas leur travail par passion. Mais comment peut-on dire qu’avec un revenu de base elles ne travailleraient plus? Comment ne pas reconnaitre que toute activité, quelle qu’elle soit, nous apporte autre chose que de l’argent ?
Et que dire de toutes celles qui pour mille raisons différentes aiment ce qu’elles font et ce qu’elles sont dans leur travail? Il y a beaucoup de raisons autres que financières qui poussent à délaisser les fourneaux : l’envie de se réaliser, l’envie de voir du monde, d’échanger, partager, le besoin de se sentir utile, de contribuer, de créer, d’inventer, l’envie de donner (oui, il y a même des femmes qui ont envie de s’occuper d’autres personnes que de leurs enfants), l’envie de développer ses compétences, de les partager, l’envie d’apprendre. Rajoutez tout ce que vous voulez à la liste…
Les femmes, championnes du travail non rémunéré
Les femmes sont championnes du travail à temps partiel et aussi du travail non rémunéré lorsqu’il y a des enfants dans un ménage (selon l’OFS), tandis que les hommes pour la plupart travaillent à plein temps (c’est donc le temps partiel des femmes qui rend possible le plein temps des hommes). Elles sont aussi majoritairement celles qui s’occupent d’un parent âgé. Dans ces contextes, un revenu de base représente une valorisation et une reconnaissance de ce temps donné et indispensable au fonctionnement de la société, à son lien social et qui ne se traduit pas seulement en points de PIB, même si on sait que ces activités en sont le socle en rendant possible les autres activités économiques.
Avec un revenu de base, certaines (et certains!) pourront peut-être enfin faire sereinement le choix de ralentir et de penser à eux pour ne pas partir en burn out, de s’occuper pour un temps complètement (ou à temps partiel, mais sereinement) de leurs enfants, de leur parent, sans se sentir étrangler financièrement. Des activités essentielles à la société, au maintien du lien social, qui demandent du temps, de la disponibilité, de l’énergie, mais qu’il faut souvent accomplir en courant…
Le revenu de base donne le choix
Si le Conseil fédéral note que les bas salaires sont majoritairement féminins, il pourrait aussi avoir la noble intention non pas de cantonner les femmes dans ces bas salaires, mais de leur ouvrir des perspectives. C’est ce que fait un revenu de base en permettant de concilier mieux les différents temps et espaces de la vie que sont vie de famille, parcours de formation, vie professionnelle et temps libre. Loin de cantonner à la maison ou dans un bas salaire, le revenu de base donne la possibilité d’évoluer, de commencer ou de reprendre une formation. Il peut donner le temps et l’espace pour changer de cap, réaliser ses rêves, s’engager dans une nouvelle direction, qu’il s’agisse de devenir garde forestière ou infirmière.
Dans quelques années, je le souhaite, on pourra entendre ce témoignage de Jocelyne : “A partir du moment où j’ai eu mon revenu de base, j’ai pu arrêter de courir dans tous les sens, entre les enfants, le travail, les courses… J’ai pu enfin me poser et me demander ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Et là, comme financièrement c’était possible, j’ai décidé de me lancer. J’ai toujours voulu être infirmière, mais comme j’ai dû commencé à travailler jeune, j’avais dû renoncer. Je me disais dans un coin de ma tête, plus tard peut-être, quand les enfants seront grands et qu’on aura besoin de moins d’argent pour faire bouillir la marmite… Et là (grand sourire de Jocelyne) eh bien, j’ai enfin pu me lancer…!”
J’espère pouvoir demain rencontrer Jocelyne et toutes les autres, et tous les autres.
Il n’y a pas une femme, il y a des femmes. Il y a une diversité d’êtres humains à qui le revenu de base peut donner de vrais choix.
PS: Et, entre nous, lors de l’introduction d’un revenu de base dans la ville de Dauphin au Canada, on a observé une légère hausse du taux de divorces, mais ne le dites pas à Mme Maurer…
Bonjour, le principe est intéressant mais il serait malgré tout fort utile de parler de quelques possibilités de financer le RBI. Sinon, il y a le risque que les gens pensent que c’est du pur délire, que ça va ruiner la Suisse, et que c’est simplement impossible de payer les gens hors travail rémunéré.
Personnellement c’est la démarche qui m’avait convaincu. Au début je me suis dit que c’était impossible, et ensuite j’avais vu une vidéo d’une demi.heure qui expliquait le principe et ça m’avait paru plausible, donc j’avais changé d’avis !
Si on ne peut pas montrer que le truc est techniquement possible, les gens n’y croiront pas.
Exemple : on pourrait imposer que le solaire remplace toutes les centrales thermiques ou nucléaires actuelles. Mais si on ne peut pas montrer par A+B que ça tient la route, ça ne passera jamais !
Merci de votre commentaire.
par curiosité quel est la vidéo d’une demi heure dont vous parlez ?
Sinon, il y a des propositions de financement qui sont expliquées sur ce site. Il suffit de lire sur la page d’accueil sous la rubrique: “comment financer le RBI”…
Un petit lien qui peut vous être utile quant à la sensibilisation.
https://m.youtube.com/watch?ebc=ANyPxKqbcU_ZwXCYxDKqzIrZAuRAycns35qZGQSVD6G7qlVKXwYK9NK84beHDRXz3ksrM_erFH0c&time_continue=2122&v=uhg0SUYOXjw
Attention, le salaire à vie n’est pas du tout le même projet que le Revenu de Base Inconditionnel.
Le Revenu de Base Inconditionnel, reconnait l’Etre et pas juste le Faire. Ainsi le RBI est donné de la naissance à la mort et pas comme le salaire à vie qui est donné seulement à partir de 18 ans..
Voici toute un article où j’expose un peu plus les différences entre salaire à vie et Revenu de Base Inconditionnel. Personnellement, le salaire à vie ne me fait pas rêver, contrairement au RBI 🙂
Mon article sur la différence entre le salaire à vie et le revenu de base inconditionnel…
Merci:)
Je suis complêtement d’accord sur ce point de vu, c’est un autre modèle mais l’idée du lien était surtout de mettre en avant les jolies illustrations d’un capitalisme nefaste quant aux principes universels de l’homme et par la même occasion à l’environnement
Je recommande vivement la lecture d’un excellent article sur ce sujet de la plume de l’analyste Guy Sirman.
http://www.hebdo.ch/les-blogs/sorman-guy-le-futur-cest-tout-de-suite/cette-lumi%C3%A8re-qui-vient-du-nord
Meilleures salutations,
Paul Pittet
Bonjour à tous,
Ayant visionné un débat sur le RBI dans l’émission “Infrarouge”, je dois reconnaître qu’auparavant, cette idée me semblait farfelue et idéaliste. Cependant, avec du recul et en examinant les changements qui s’opèrent au sein de l’économie et le monde de la finance (dans lequel je suis un apprentissage), cette idée ne me semble du coup, beaucoup plus sensée que les contre-arguments proposés par messieurs Slatkine, Gallerdi ou Clottuz.
Au sein de mon entreprise, de plus en plus de personnes sont en train d’expérimenter le concept du travail à domicile (économies de trajet, économie de place, employé moins stressé), et tous reconnaissent qu’ils sont effectivement plus motivés à travailler plus longtemps grâce au temps gagné et un certain stress éliminé, et l’entreprise réalise des charges beaucoup moins élevées qu’auparavant. Il y a 15 ans, cette idée aussi était farfelue, pourtant, le privé s’y met.
Etant encore jeune (24 ans), et poursuivant ma formation, je dois avouer que le RBI résoudrerait un bon nombre de problèmes : primes d’assurance hors de prix alors que je ne suis jamais malade et en parfaite santé, logé encore chez mes parents car les loyers peuvent s’élever jusqu’à 2’000 CHF, même à la campagne et pour un studio dans un grenier où je n’ai pas la place pour travailler, de plus, ne m’entendant pas bien avec mes parents, ils sont tenus par la loi de m’entretenir jusqu’à mes 25 ans, mais tout juste pour régler mes paiements pour l’assurance, TPG, etc. Donc, quel que soit le montant, je trouve le concept intéressant, et pourrait trouver des solutions à de nombreuses personnes telles que moi à sortir d’une impasse financière qui nous condamne tous les jours à stresser et à devenir des calculatrices sur pattes dans les supérettes, et relâcherait pas mal de tension dont je suis sûr pas mal de monde en souffre.
Le financement du projet reste encore une question en suspens, mais je suis certain que la Confédération trouvera une solution à cela comme elle l’a faite pour l’AVS, l’AI, etc.
Je salue votre engagement, et j’en parle autour de moi pour changer les avis concernant le texte de l’initiative, et je pense que la Suisse est suffisamment riche pour se subvenir à elle-même. Merci de la lecture et désolé du pavé littéraire que je viens d’écrire,
Mes salutations respectueuses,
Vass
Membre du PLR, je suis en effet très déçu de leur prise de position actuel sur ce sujet. Elle me semble plus découler d’un réflexe conservateur qu’une de réelle réflexion sur le projet. En effet, je suis membre car je suis un libéral convaincu. Je crois en l’individu à sa créativité et je méfie à une trop grande intervention de l’Etat. le 20’ième siècle a assez prouvé qu’un Etat omniscient est contre-productif économiquement et anti-libéral individuellement. Toutefois ce projet responsabilisant l’individu et le libérant économiquement me paraît être parfaitement en accord avec le libéralisme. D’ailleurs celui-ci diminuerait l’intervention Étatique de quasi mise sous tutelle des gens au social. Cela permettrait aussi de valoriser les travaux de bénévolat, familiaux, etc et de revaloriser la capacité de négociation du salarié particulièrement vis à vis de jobs ingrats. La question qui me chiffonnait c’est la question du financement. Il me paraît inconcevable de voter sur un projet qui bloquerait l’économie par des taxes excessives, ou qui se financerait par endettement sans sans fin. Il semble que cette question a été très bien géré par les initiants. Je voterai donc OUI à ce projet! Meilleurs salutations. Lionel W
Même égoïstement, les plus de 65 ans devraient soutenir le RBI pour avoir une chance que leurs enfants ou petits-enfants puissent leur consacrer du temps, sans être dans la précarité, ou à leurs crochets pour autant. Un peu plus de partage inter-générationnel serait une bonne chose pour tout le monde.