2030 Oydssée dans le RBI est un feuilleton écrit par JC Novelle.
Plongez dans un avenir proche où le Revenu de Base Inconditionnel est une réalité quotidienne. Découvrez ce que ça change.
Vous retrouverez ici un épisode toute les 2 semaines.
Si vous ne l’avez pas déjà lu, commencez par l’épisode 1…

LISE LORENZINI

Il s’agissait de son premier débat télévisé. Candidate au Conseil National lors des élections fédérales de 2031, Lise Lorenzini avait accepté de débattre avec d’autres candidats et candidates au sujet du revenu de base. Pour la première fois elle allait affronter Martial Cochard, farouche opposant au RBI. En arrivant devant le studio, les deux se saluèrent froidement.

A 36 ans, Martial avait l’ambition de siéger à Berne, car selon lui c’est en siégeant au Conseil National qu’il serait le plus efficace pour combattre le RBI. Installé dans le studio de la RTS, il ressentit une légère nervosité. Il ajusta le nœud de sa cravate et but une gorgée d’eau en suivant du regard l’assistant qui testait les micros.

Le débat allait se dérouler en direct. Mentalement, Martial préparait ses réponses. Il savait que le RBI, qui déployait ses effets dans toute la société depuis 2020, était un sujet polémique. Pour lui, il était temps de réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Plus que quelques minutes. Nicole Nussbaum s’assura d’un rapide coup d’œil que tout était prêt, prit le micro et annonça le début de l’émission. En journaliste bien rôdée à ce genre de débats, elle fit un rapide tour de table de présentation et ensuite elle se tourna vers Martial.

  • M. Cochard, ma première question sera pour vous. Si vous êtes élu, quelles seront vos premières mesures au sujet du RBI ?
  • Je suis convaincu qu’à long terme ce projet va nuire considérablement à notre pays et pour longtemps. Il est par conséquent urgent d’agir et de le remettre en question. J’ai donc l’intention de tout faire pour que le RBI soit supprimé et que nous revenions au système qui jusqu’en 2020 avait fait ses preuves.
  • Donc, en réalité, vous remettez en question la décision du peuple qui s’est prononcé favorablement en 2016 ?

Martial sentit immédiatement le danger de cette question. La démocratie directe, il y croyait dur comme fer et cela malgré la décision du peuple en 2016 d’accepter le RBI.

  • Vous savez, des entrepreneurs se plaignent et de nombreuses personnes m’écrivent pour exprimer leurs craintes face à l’avenir. Même des gens qui ont voté oui le regrettent aujourd’hui. Non, je ne m’oppose pas à la décision du peuple. Il s’agit simplement d’éviter des conséquences désastreuses pour notre pays.

Frédéric Villars, également candidat, était par contre favorable au maintien du RBI. Il voulut connaître certains détails de la réponse de Martial et ne cachait pas son agacement face à ce qu’il considérait comme des propos démagogiques. Il décida d’interpeller Martial sans détours.

  • Vous avancez des arguments sans aucune preuve. Pouvez-vous nous dire de quoi se plaignent les gens qui vous contactent ?

Depuis que Martial s’était déclaré candidat aux élections fédérales, il avait récolté des réactions des gens qui se sentaient lésés par le RBI, car son introduction avait exigé des aménagements que certaines entreprises voyaient d’un mauvais œil. Convaincu du pouvoir de nuisance du RBI, Martial était devenu en plus le porte-parole des milieux financiers qui avaient très mal vécu l’introduction d’une taxe sur les transactions financières.

  • Comme tout le monde le sait, les PME sont le cœur de ce pays et le RBI les met sous pression. Le RBI c’est de l’instabilité, un danger pour les équilibres qui ont fait le succès de la Suisse. La paix sociale est à bout de souffle. Le RBI encourage les individus à revendiquer des conditions de travail que les PME peinent à offrir : aménagement à la carte du temps de travail, pression sur les salaires, demandes de formation. Si nous continuons comme ça, nous allons droit dans le mur.
  • A vous entendre, la Suisse serait au bord du gouffre.
  • Et c’est le cas. Combien de temps allons-nous pouvoir verser 2’500 francs à chaque adulte et 625 francs à chaque mineur ? C’est un gouffre qui se chiffre en milliards.

L’émission se passait plutôt bien pour Martial. Rien ne semblait l’arrêter. La nervosité du début s’était transformée en assurance. Quelques applaudissements résonnaient encore dans la salle lorsque Nicole Nussbaum donna la parole à Lise Lorenzini.

  • M. Cochard, je suis moi-même entrepreneure et les craintes dont vous parlez, je ne les vois pas. Bien au contraire, les entrepreneurs que je connais sont aujourd’hui plus que satisfaits avec le RBI. Leurs collaborateurs et collaboratrices font preuve de plus de motivation, de créativité et d’engagement qu’auparavant. Nous voyons l’avenir avec un nouveau regard.
  • Il y a toujours des exceptions et vous en faites sûrement partie. Mais les exceptions ne justifient pas le maintien d’un système qui est en train de nous couler.
  • M. Cochard, vous continuez à nous dire des vérités sans aucun fondement. Pendant ces dernières décennies, l’innovation a été la base de notre prospérité. Toutes les études le montrent. Depuis l’introduction du RBI, l’innovation a fait un bond spectaculaire qui se répercute sur toute l’économie. La Suisse se porte bien et le RBI y est pour beaucoup.

Le public applaudissait vivement. Un peu acculé par les arguments de Lise Lorenzini, Martial sentait la pression monter. Le débat s’était soudain équilibré et cela le mit mal à l’aise.

  • C’est clair que dans tout projet il y a du bon. La question c’est pour combien de temps. Depuis l’introduction de la taxe sur les transactions financières, les milieux de la finance et les investisseurs sont inquiets. La stabilité de notre pays est en jeu. Cette taxe est une erreur que nous allons payer cher.
  • Cette taxe a eu aussi des effets bénéfiques sur la spéculation à outrance en réduisant clairement les risques de krach boursier. Et cela est positif pour l’ensemble de notre système. Ou alors voulez-vous nous précipiter à nouveau dans une crise comme celle de 2008 dont les effets néfastes se sont fait sentir pendant plus de 10 ans ?
  • Ecoutez, c’est clair qu’un krach boursier n’est jamais souhaitable, mais il est trop tôt pour tirer des conclusions sur les bienfaits de cette taxe. Ce qui compte pour notre société, c’est l’effort, le mérite, en un mot, le travail. Il n’est pas moral de recevoir un salaire sans travailler. Pourtant, le RBI nous dit le contraire. Je vous le demande, elle est où la solidarité ?
  • La solidarité est justement là, dans le droit à un revenu. Le plein emploi, c’est un mirage. C’est une entrepreneure qui vous le dit ! Et ne venait pas me dire que le chômage est une nécessité économique. C’est un fait, il n’y a pas assez de travail pour tout le monde. Le travail c’est un gâteau pour dix, alors que nous sommes onze à table. Quoi de plus logique que de le partager ? C’est ça le RBI, c’est ça la solidarité.

Dans la salle, à la fin du débat le public semblait partagé. Le RBI représentait un tel changement dans la société que cela effrayait certains et en enthousiasmait d’autres. Depuis 10 ans, le RBI bousculait les habitudes et en même temps générait de nouvelles idées. Lise et Martial reflétaient ces contrastes qui donnaient une nouvelle coloration à toute la société.