Vers une conscience d’abondance

La conscience d’abondance est un vision du monde partagée par une part de plus en plus large de la population et analysée par de nombreux écrivains1 ou philosophes. Elle trouve tous son sens dans cette phrase de Ghandi : «Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité. »

La conscience de l’abondance s’oppose à la conscience de la rareté. Alors que la rareté amène à la compétition et ses différentes formes de pouvoir et de domination (guerres, colonialisme, exploitation), l’abondance nous amène vers la solidarité, le partage, le don. Surtout, la rareté nous fait cultiver la peur de manquer au quotidien, alors que l’abondance nous permet de vivre la confiance en la vie. Cela peut sembler utopique, mais philosophiquement au moins, il ne fait aucun doute que l’abondance est empreinte de plus de vertus positives.

Le Revenu de Base Inconditionnel s’inscrit directement dans cette logique de l’abondance : Si je n’ai pas peur de manquer demain, je peux plus facilement partager ce que j’ai aujourd’hui. Et peut-être cela me servira-t-il un jour à moi aussi. C’est le principe de l’assurance, si chère au peuple helvétique, sauf que là c’est une assurance Vie (avec un grand V).

Nombreux sont ceux qui vivent encore dans la conscience de la rareté. Et nombreux sont ceux qui ont tout intérêt à nous y garder. Ainsi, dans l’une de ses publication, Avenir Suisse qualifie la conscience d’abondance d’ « oppression morale » (sic!). Elle y souligne à juste titre que le rôle de l’économie est d’affecter les ressources rares, et que si elle n’a pas disparu c’est bien parce que nous sommes dans un contexte de rareté. Elle en oublie de dire que des sommes importantes sont utilisées pour nous maintenir dans cet état de manque, à travers la publicité2. Car manquer nécessite d’avoir conscience que nous pourrions avoir plus. Si nous n’avons pas cette conscience, nous n’avons pas de manque non plus.

Bien sûr, le progrès, la consommation et la pub nous ont amené plus de confort… un temps. Qu’en est-il aujourd’hui ? Notre bien-être continue-t-il de grandir à travers l’acquisition de nouveaux objets ? Ne cherchons nous pas plutôt quelque chose d’immatériel comme du temps social, de belles relations humaines ou de la reconnaissance de notre entourage ou de notre société3 ?

Selon Avenir Suisse, les prix devraient tendre vers zéro si l’on était dans un contexte d’abondance… en sommes-nous si éloigné ? Quel serait le prix d’une voiture4 aujourd’hui si on lui ôtait tout ce qui a été rajouté ces dernières années (vitre électrique, assistance au parcage, sièges chauffants, phares automatiques, verrouillage centralisé…) ? Certains appellent ça confort, je le nomme abrutissement5.

La conscience d’abondance n’a rien d’immoral. L’introduction d’un RBI nous permet de sortir du modèle de la croissance à tout prix tout en continuant de maintenant la circulation des capitaux6. En nous libérant du joug de la consommation, elle préserve les ressources de la planète et cesse de faire de nous des modèles que veulent imiter les pays en voie de développement. Grâce à la conscience d’abondance, nous consommons ce dont nous avons besoin, et pas ce que nous pourrions avoir besoin et qui ne sera peut-être plus disponible demain.


1 Lire entre autre « Les Aventuriers de l’Abondance », de Philippe Derudder

2 500 millards de dollars en 2010, un secteur en forte augmentation avec un taux de croissance annuel moyen de 6,5 %. – Source : Wikipedia

3 Dans un documentaire sur une grande banque, une employée disait que peut lui importait ce qu’elle gagnait, pourvu que ce soit plus que son collègue : c’était pour elle la façon de mesurer sa place dans la hiérarchie et de s’assurer de la reconnaissance de son employeur.

4 Lorsque Ford introduisit la Ford T en 1911, une voiture valait plus d’une année de salaire.

5 Dans le sens que nos différentes formes d’intelligences sont de moins en moins mises à contribution : l’aide au parcage par exemple ne nécessite plus que nous sachions utiliser notre intelligence spatiale.

6 Voir mon autre texte, « le coût du RBI »