A l’approche de la grève des femmes du 14 juin, je repense à la votation de 2016 sur le revenu de base et à la manière dont le Conseil Fédéral a méprisé les femmes : “plusieurs catégories de personnes n’auraient plus de raison financière d’exercer une activité lucrative, notamment les personnes qui gagnent moins de 2500 francs par mois ou à peine plus, c’est-à-dire les travailleurs à bas salaire ou à temps partiel, qui sont majoritairement des femmes.”
Ça vous a choqué autant que moi comme prise de position ? A l’époque ça n’a pas déclenché une grande ferveur féministe et je me demande encore pourquoi.
Le revenu de base est pour moi un projet féministe, car il favorise la reconnaissance du travail non rémunéré, donne la possibilité de refuser un travail dont les conditions ne nous conviennent pas et offre la liberté de choisir ses activités. Il affranchirait donc beaucoup de femmes (et d’hommes…) en permettant de faire évoluer leurs droits et transformer les rapports de force.
Pour le Conseil Fédéral, les travailleurs à bas salaires et à temps partiel sont majoritairement des femmes et c’est bien ainsi. De quel droit les 7 sages ont-ils pu émettre sur les femmes un avis aussi péremptoire et reléguer ainsi une grande partie de la population dans une sous-catégorie ne méritant pas le revenu de base ou un salaire décent ?
C’était aussi affirmer que toutes les femmes gagnant moins que 2500.- ne travaillent que pour des raisons financières. Travailler pour des raisons financières, la belle affaire! Qui n’a pas de loyers, d’assurance à payer, besoin de manger, se vêtir, se déplacer…? Mais comment peut-on dire qu’avec un revenu de base les femmes ne travailleraient plus? Comment ne pas reconnaitre que toute activité, quelle qu’elle soit, nous apporte autre chose que de l’argent ? Que dire de toutes celles qui pour mille raisons différentes aiment ce qu’elles font et ce qu’elles sont dans leur travail?
L’absence de contrainte économique ôterait aux femmes leur envie de se réaliser ? Et si c’était le contraire? Si le stress des fins de mois enfin relâchés permettait de contribuer de manière plus significative, plus libre et plus créative à la société? Si cette liberté retrouvée permettait de choisir librement son activité?
Les femmes, championnes du travail non rémunéré
Les femmes sont championnes du travail à temps partiel et aussi du travail non rémunéré lorsqu’il y a des enfants dans un ménage (selon l’OFS), tandis que les hommes pour la plupart travaillent à plein temps. C’est donc le temps partiel des femmes qui rend possible le plein temps des hommes, tel une sorte de subvention invisible. Elles sont aussi majoritairement celles qui s’occupent d’un parent âgé. Dans ces contextes, un revenu de base représenterait une valorisation et une reconnaissance de ce temps donné et indispensable au fonctionnement de la société, à son lien social et qui ne se traduit pas seulement en points de PIB, même si on sait que ces activités en sont le socle en rendant possible les autres activités économiques.
Cette inégalité dans les temps de travail rémunérés entre hommes et femmes se traduit en inégalité de revenus et se répercute également sur l’accès aux assurances sociales. Moins de cotisations = moins de chômage, moins de perte de gains, moins de retraite. Pour les femmes, la pénalisation ne s’arrête donc pas à 64 ans. Le montant de la retraite des femmes représente seulement 63% de celle des hommes et n’est souvent pas suffisante pour vivre. C’est interpellant. La contribution des femmes à la société vaudrait-elle globalement moins ? La femme devrait-elle encore s’envisager dans l’ombre financière de l’homme? Notre système d’assurance social a en effet été construit au sortir de la Seconde Guerre Mondiale autour d’un modèle du travail masculin, celui d’un homme qui gagne l’argent pour la famille et travaille à plein temps, sans interruption de carrière. C’est encore en fonction de cette norme, aujourd’hui totalement dépassée, que sont calculées les rentes de retraite aussi bien des hommes que des femmes. Le revenu de base est un élément qui peut contribuer à redessiner significativement ce modèle de protection sociale, afin qu’il soit plus adapté aux parcours de vie modernes. Il peut permettre d’assurer tout au long de la vie un socle de revenus pour aborder et traverser avec une sécurité financière les différentes phases de l’existence, les changements de situations personnels ou professionnels. Il peut autoriser des choix sereins pour les deux sexes, en terme de parentalité et de carrière professionnelle.
Le revenu de base donne le choix
Si le Conseil fédéral note que les bas salaires sont majoritairement féminins, il pourrait aussi avoir la noble intention non pas de cantonner les femmes dans ces bas salaires, mais de leur ouvrir des perspectives. C’est ce que propose un revenu de base en permettant de concilier mieux les différents temps et espaces de la vie que sont vie de famille, parcours de formation, vie professionnelle et temps libre. Loin de cantonner à la maison ou dans un bas salaire, le revenu de base donne la possibilité d’évoluer, de commencer ou de reprendre une formation. Il peut donner le temps et l’espace pour changer de cap, réaliser ses rêves, s’engager dans une nouvelle direction.
Dans quelques années, je le souhaite, on pourra entendre ce témoignage : “A partir du moment où j’ai eu mon revenu de base, j’ai pu arrêter de courir dans tous les sens, entre les enfants, le travail, les courses… J’ai pu enfin me poser et me demander ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Et là, comme financièrement c’était possible, j’ai décidé de me lancer. J’ai toujours voulu être infirmière, mais comme j’ai dû commencé à travailler jeune, j’avais dû renoncer. Je me disais dans un coin de ma tête, plus tard peut-être, quand les enfants seront grands et qu’on aura besoin de moins d’argent pour faire bouillir la marmite… Et là (grand sourire) eh bien, j’ai enfin pu me lancer…!”
J’espère pouvoir demain entendre de multiples témoignages comme celui-ci. Il y a des femmes, des hommes, des humains, à qui le revenu de base peut donner de vrais choix. La grève des femmes du 14 juin est l’occasion de relancer la discussion sur la contribution d’un revenu de base à une société égalitaire.
Bonjour, le principe est intéressant mais il serait malgré tout fort utile de parler de quelques possibilités de financer le RBI. Sinon, il y a le risque que les gens pensent que c’est du pur délire, que ça va ruiner la Suisse, et que c’est simplement impossible de payer les gens hors travail rémunéré.
Personnellement c’est la démarche qui m’avait convaincu. Au début je me suis dit que c’était impossible, et ensuite j’avais vu une vidéo d’une demi.heure qui expliquait le principe et ça m’avait paru plausible, donc j’avais changé d’avis !
Si on ne peut pas montrer que le truc est techniquement possible, les gens n’y croiront pas.
Exemple : on pourrait imposer que le solaire remplace toutes les centrales thermiques ou nucléaires actuelles. Mais si on ne peut pas montrer par A+B que ça tient la route, ça ne passera jamais !
Merci de votre commentaire.
par curiosité quel est la vidéo d’une demi heure dont vous parlez ?
Sinon, il y a des propositions de financement qui sont expliquées sur ce site. Il suffit de lire sur la page d’accueil sous la rubrique: “comment financer le RBI”…
Un petit lien qui peut vous être utile quant à la sensibilisation.
https://m.youtube.com/watch?ebc=ANyPxKqbcU_ZwXCYxDKqzIrZAuRAycns35qZGQSVD6G7qlVKXwYK9NK84beHDRXz3ksrM_erFH0c&time_continue=2122&v=uhg0SUYOXjw
Attention, le salaire à vie n’est pas du tout le même projet que le Revenu de Base Inconditionnel.
Le Revenu de Base Inconditionnel, reconnait l’Etre et pas juste le Faire. Ainsi le RBI est donné de la naissance à la mort et pas comme le salaire à vie qui est donné seulement à partir de 18 ans..
Voici toute un article où j’expose un peu plus les différences entre salaire à vie et Revenu de Base Inconditionnel. Personnellement, le salaire à vie ne me fait pas rêver, contrairement au RBI 🙂
Mon article sur la différence entre le salaire à vie et le revenu de base inconditionnel…
Merci:)
Je suis complêtement d’accord sur ce point de vu, c’est un autre modèle mais l’idée du lien était surtout de mettre en avant les jolies illustrations d’un capitalisme nefaste quant aux principes universels de l’homme et par la même occasion à l’environnement
Je recommande vivement la lecture d’un excellent article sur ce sujet de la plume de l’analyste Guy Sirman.
http://www.hebdo.ch/les-blogs/sorman-guy-le-futur-cest-tout-de-suite/cette-lumi%C3%A8re-qui-vient-du-nord
Meilleures salutations,
Paul Pittet
Bonjour à tous,
Ayant visionné un débat sur le RBI dans l’émission “Infrarouge”, je dois reconnaître qu’auparavant, cette idée me semblait farfelue et idéaliste. Cependant, avec du recul et en examinant les changements qui s’opèrent au sein de l’économie et le monde de la finance (dans lequel je suis un apprentissage), cette idée ne me semble du coup, beaucoup plus sensée que les contre-arguments proposés par messieurs Slatkine, Gallerdi ou Clottuz.
Au sein de mon entreprise, de plus en plus de personnes sont en train d’expérimenter le concept du travail à domicile (économies de trajet, économie de place, employé moins stressé), et tous reconnaissent qu’ils sont effectivement plus motivés à travailler plus longtemps grâce au temps gagné et un certain stress éliminé, et l’entreprise réalise des charges beaucoup moins élevées qu’auparavant. Il y a 15 ans, cette idée aussi était farfelue, pourtant, le privé s’y met.
Etant encore jeune (24 ans), et poursuivant ma formation, je dois avouer que le RBI résoudrerait un bon nombre de problèmes : primes d’assurance hors de prix alors que je ne suis jamais malade et en parfaite santé, logé encore chez mes parents car les loyers peuvent s’élever jusqu’à 2’000 CHF, même à la campagne et pour un studio dans un grenier où je n’ai pas la place pour travailler, de plus, ne m’entendant pas bien avec mes parents, ils sont tenus par la loi de m’entretenir jusqu’à mes 25 ans, mais tout juste pour régler mes paiements pour l’assurance, TPG, etc. Donc, quel que soit le montant, je trouve le concept intéressant, et pourrait trouver des solutions à de nombreuses personnes telles que moi à sortir d’une impasse financière qui nous condamne tous les jours à stresser et à devenir des calculatrices sur pattes dans les supérettes, et relâcherait pas mal de tension dont je suis sûr pas mal de monde en souffre.
Le financement du projet reste encore une question en suspens, mais je suis certain que la Confédération trouvera une solution à cela comme elle l’a faite pour l’AVS, l’AI, etc.
Je salue votre engagement, et j’en parle autour de moi pour changer les avis concernant le texte de l’initiative, et je pense que la Suisse est suffisamment riche pour se subvenir à elle-même. Merci de la lecture et désolé du pavé littéraire que je viens d’écrire,
Mes salutations respectueuses,
Vass
Membre du PLR, je suis en effet très déçu de leur prise de position actuel sur ce sujet. Elle me semble plus découler d’un réflexe conservateur qu’une de réelle réflexion sur le projet. En effet, je suis membre car je suis un libéral convaincu. Je crois en l’individu à sa créativité et je méfie à une trop grande intervention de l’Etat. le 20’ième siècle a assez prouvé qu’un Etat omniscient est contre-productif économiquement et anti-libéral individuellement. Toutefois ce projet responsabilisant l’individu et le libérant économiquement me paraît être parfaitement en accord avec le libéralisme. D’ailleurs celui-ci diminuerait l’intervention Étatique de quasi mise sous tutelle des gens au social. Cela permettrait aussi de valoriser les travaux de bénévolat, familiaux, etc et de revaloriser la capacité de négociation du salarié particulièrement vis à vis de jobs ingrats. La question qui me chiffonnait c’est la question du financement. Il me paraît inconcevable de voter sur un projet qui bloquerait l’économie par des taxes excessives, ou qui se financerait par endettement sans sans fin. Il semble que cette question a été très bien géré par les initiants. Je voterai donc OUI à ce projet! Meilleurs salutations. Lionel W
Même égoïstement, les plus de 65 ans devraient soutenir le RBI pour avoir une chance que leurs enfants ou petits-enfants puissent leur consacrer du temps, sans être dans la précarité, ou à leurs crochets pour autant. Un peu plus de partage inter-générationnel serait une bonne chose pour tout le monde.