Modèle de financement proposé par l’Office Fédéral des Assurances Sociales

Cet article fait partie d’une série d’analyses de modèles de financement du Revenu de Base Inconditionnel (RBI) applicables pour la Suisse.

L’OFAS (Office Fédéral des Assurances Sociales) vient de mettre à jour son analyse du modèle [1] qu’il propose pour le financement du RBI [2]. Ce modèle est une variante du modèle de financement partiel par intégration dans le revenu du travail, associé à une généralisation du système actuel d’aide sociale.

Ce modèle est inspiré d’une description sommaire et malheureusement incomplète extraite d’un site lié au comité d’initiative «pour un revenu de base inconditionnel» [3]. Contrairement aux autres modèles analysés ici, ce modèle fixe le montant du RBI à 2500 CHF pour un adulte et à 625 CHF pour un enfant.

Ce modèle décompose les sommes nécessaires au financement du RBI (208 milliards) en trois éléments distincts:
1) Financement actuel de la sécurité sociale qui pourrait être repris pour financer le RBI: ~55 milliards CHF
2) Prélèvement sur les revenus provenant d’une activité lucrative: ~128 milliards CHF
3) Financement complémentaire: ~25 milliards CHF.

On pourrait faire la même remarque qu’avec le modèle de financement partiel par intégration dans le revenu du travail [4], concernant les économies sur les dépenses de sécurité sociale que permettrait l’introduction du RBI. Mais comme ce modèle a été conçu par l’administration fédérale, nous n’allons pas contester leurs compétences et nous allons admettre qu’un montant de 55 milliards de CHF peut effectivement être redirigé vers le financement du RBI.

Prélèvement sur les revenus provenant d’une activité lucrative
D’après la description de ce modèle, le prélèvement sur les salaires peut être résumé ainsi: au-dessus du montant du RBI, il est prélevé un montant égal au RBI, le revenu ne change donc pas. En dessous de ce revenu, le total du revenu est prélevé [5]. Comment représenter cela sur le graphique habituel?

FinancementRevenu de base 11-a

Sans même tenir compte de l’impact du financement complémentaire, on peut en tirer deux constatations immédiates qui figurent déjà clairement dans la description du modèle du l’OFAS.
1) Pour les personnes bénéficiant d’un revenu supérieur au montant du RBI, il n’y a pas de différence notable. Ces personnes ne sont ainsi aucunement incitées à soutenir le principe du RBI, si ce n’est par pure compassion pour les personnes défavorisées.
2) Pour les personnes ne bénéficiant pas d’un revenu supérieur au montant du RBI, leur revenu serait plafonné au montant du RBI, quel que soit le maigre revenu que ces personnes tireraient d’une activité lucrative. On est là en présence de la classique trappe à inactivité caractéristique du système d’aide sociale actuel. Il y a donc, dans ce modèle, clairement une incitation à ne pas travailler, comme le dénonce d’ailleurs le Conseil fédéral dans son message préconisant le rejet de l’initiative.

Ainsi, même sans le comparer aux autres modèles, on constate que celui-ci est très mauvais. Le modèle de financement partiel par intégration dans les revenus du travail, bien que loin d’être un bon modèle est tout de même infiniment meilleur, car il ne présente pas de trappe à inactivité.

Financement complémentaire par la TVA

Seul ce cas est analysé, puisque c’est celui retenu par l’OFAS pour le financement complémentaire. Pour la comparaison avec le taux de TVA actuel, on utilise un taux moyen de 7.7 % pour tenir compte des marchandises bénéficiant d’un taux de TVA réduit.

FinancementRevenu de base 12-a

On constate immédiatement que toutes les personnes bénéficiant d’un revenu supérieur au montant du revenu de base sont perdantes. Même une partie des personnes ayant un revenu inférieur au montant du revenu de base se retrouverait dans une situation défavorable avec un tel modèle, car le montant réel du RBI serait inférieur au montant théorique, vu que la part de TVA dédiée au financement complémentaire s’applique aussi aux personnes n’ayant que le RBI pour subsister.

Financement complémentaire plus réaliste
Au début de cet article, il a été fait l’hypothèse que les 55 milliards CHF de la sécurité sociale actuelle pourraient être repris pour financer en partie le RBI. Mais comme il a été démontré dans l’analyse du financement partiel par intégration dans le revenu du travail [4], dans la pratique, il n’est pas possible de reprendre ces montants pour les attribuer au financement du RBI. Ils doivent être considérés comme des «économies collatérales». En d’autres termes, quel que soit le modèle de financement du RBI qui sera retenu, le RBI génèrera des économies pour un montant de 55 milliards CHF selon les calculs de l’OFAS. Mais ce n’est pas le propos. La conséquence est que le besoin de financement complémentaire s’élèverait à 80 milliards CHF au lieu de 25 milliards CHF. Le supplément de TVA ne serait ainsi plus de 8 %, mais de 8 / 25 * 80 = 25 %. Le taux de TVA résultant serait donc de 33 %.

FinancementRevenu de base 13-a

Conclusion
Le modèle de financement du RBI développé par l’OFAS semble avoir été conçu dans le but de faire croire que le financement du RBI est impossible et provoquerait un rejet massif de la part des salariés. Effectivement selon ce modèle, tous les salariés, même une partie de ceux qui actuellement reçoivent un salaire inférieur au montant du RBI subiraient une baisse de leur revenu total. Toujours selon ce modèle, le montant effectif du RBI serait largement inférieur à son montant théorique. L’application de ce modèle renforcerait effectivement la trappe à inactivité déjà présente dans le système d’aide sociale existant actuellement. Ce modèle est donc réellement très mauvais. Rappelons que d’autres modèles de financement du RBI ont été analysés ici même [6] qui éliminent totalement la trappe à inactivité et procurent à une majorité des salariés une augmentation réelle de leur revenu total.

Références:

1. «Revenu de base inconditionnel: coût et financement», Office Fédéral des Assurances Sociales

2. «Initiative populaire “Pour un revenu de base inconditionnel” – Votation populaire du 5 juin 2016», Office Fédéral des Assurances Sociales

3. «QU’EST‐CE QU’UN REVENU DE BASE INCONDITIONNEL?», Initiative populaire fédérale pour un revenu de base inconditionnel

4. «Financement partiel du RBI par intégration dans le revenu du travail», rbi-oui.ch

5. «Système du revenu de base: Revenu d’une personne seule en fonction du revenu professionnel», Office Fédéral des Assurances Sociales

6. «Quel financement pour le Revenu de Base Inconditionnel ?», rbi-oui.ch